lundi 30 juin 2008

Qui annoncera son colistier le premier ?

Certes, on connait déjà le nom du colistier de Bob Barr, le candidat du parti libertarien : ce sera Wayne Allyn Root. De même, Ralph Nader a annoncé qu'il ferait campagne au côté de Matt Gonzalez. Mais même si les spéculations vont bon train sur le nom de leur futur running-mate, on n'a encore aucune idée du choix des deux candidats principaux, John McCain et Barack Obama. Quand leurs noms seront-ils annoncés ?

A l'exception de la tentative avortée de Reagan en 1976 d'annoncer que son colistier serait Mark Schweiker (ce sera en fait Gerald Ford qui sera la candidat du GOP à la Présidence), la plupart des candidats à la Vice-présidence étaient annoncés durant la Convention avant 1984. Le choix historique de Walter Mondale de désigner une femme, Geraldine Ferraro, en 1984, avait été annoncé quatre jours avant la Convention, alors que les républicains n'ont commencé à annoncer le nom du colistier en avance qu'en 1996. En 2004, la date retenue par John Kerry pour rendre publique l'identité de son running-mate (John Edwards), trois semaines avant la Convention était sans précédent.

1984 (D):
Annonce : 12 juillet
Convention : 16-19 juillet

1988 (R):
Annonce : pendant la Convention

1988 (D):
Annonce : 13 juillet
Convention : 18-21 juillet

1992 (D):
Annonce : 9 juillet
Convention : 13-16 juillet

1996 (R):
Annonce : 10 août
Convention : 12-15 août

2000 (D):
Annonce : 7 août
Convention : 14-17 août

2000 (R):
Annonce : 25 juillet
Convention : 31 juillet-3 août

2004 (D):
Annonce : 6 juillet
Convention : 26-29 juillet

Cette année, la Convention démocrate se tiendra du 25 au 28 août (à Denver), et la Convention républicaine aura lieu du 1er au 4 septembre à Saint-Paul.

John McCain pourrait décider d'annoncer son choix plus d'une semaine avant la Convention, soit avant la Convention démocrate elle-même. Il bénéficierait sans doute d'un bond dans les sondages qui masquerait la poussée probable post-Convention dont bénéficiera Barack Obama. Sachant que la Convention qui intronisera le sénateur de l'Illinois précède d'une semaine la Convention républicaine, la pression risque d'être forte sur John McCain pour qu'il annonce son choix plus tôt dans le mois d'août, ou même de juillet.

La meilleure option serait à mon sens qu'il attende que Barack Obama fasse connaître le nom de son colistier, afin d'y adapter son propre choix. Sauf si, et c'est possible, les sondages continuent de descendre pour le candidat républicain. Il aura alors impérativement besoin d'un rebond pour ne pas être définitivement catalogué comme étant l'oustider, et cela pourrait avoir lieu grâce à la désignation du candidat à la Vice-présidence.

Pour Obama, l'annonce aura sûrement lieu tôt en août; en effet, à partir du 8 août, les gros titres des journaux risquent fort d'être accaparés par les Jeux Olympiques pendant trois semaines, et l'impact de la désignation serait alors réduit d'autant. D'un autre côté, le travail de sélection est un processus long, et l'équipe de Barack Obama l'a débuté tard à cause de l'exceptionnelle longueur des primaires démocrates. Reste la possibilité d'une annonce pendant la Convention.

Comme on le voit, tout cela est très stratégique. Et ce n'est pourtant qu'une facette du problème. Le nom du colistier est un enjeu certainement plus important pour les deux candidats. Nous y reviendrons.

jeudi 19 juin 2008

La première publicité de Obama

L'équipe de Barack Obama a rendu publique la première publicité de sa campagne pour les élections présidentielles. L'idée est sans doute d'enlever aux électeurs les doutes qui peuvent encore exister sur le fait que Obama est musulman, et de montrer qu'il est, au fond, un Américain classique issu d'un milieu populaire. Pour ce faire, certains passages de sa biographie son expurgés (Harvard), d'autres montés en épingle et exagérés (l'enfance quasiment country folks dans le Kansas), mais le résultat semble tout à fait honorable.





Surtout, les Etats dans lesquels est diffusée cette pub nous renseignent sur les cibles de l'équipe de campagne de Obama : Alaska, Colorado, Floride, Géorgie, Iowa, Indiana, Michigan, Missouri, Montana, Nevada, New Hampshire, Nouveau Mexico, Caroline du nord, Dakota du nord, Ohio, Pennsylvanie, Wisconsin, et Virginie. Voici donc la carte politique de la bataille électorale telle qu'envisagée par le camp démocrate :



La plupart de ces États ne sont pas une surprise. Selon la plupart des commentateurs et des analystes, l'élection se jouera dans trois zones : la Rust Belt (Ohio/Pennsylvanie/Michigan) où Obama devra convaincre les fameux white working-class, la Virginie (et éventuellement la Caroline du nord) où l'afflux de travailleurs spécialisés dans la haute technologie venus de Nouvelle-Angleterre bouleverse rapidement les rapports de force électoraux, et le sud-ouest (Nevada, Colorado, Nouveau Mexique) où le niveau du vote latino en faveur du candidat démocrate sera déterminant.

D'autres États ciblés par la campagne de publicité sont plus étonnants. L'Alaska, tout d'abord, où un récent sondage a montré que les deux candidats étaient quasiment à égalité là où, il y a quatre ans, George Bush avait battu John Kerry de 26 points. Le Montana et le Dakota du nord ensuite, là encore deux solides bastions républicains dans les dernières élections en lesquels l'équipe du candidat démocrate semble fonder quelques espoirs. Et enfin la Géorgie qu'un sondage tout frais donne indécis, ce à quoi je ne crois absolument pas avec un Obama à +4 au niveau national.

Il s'agit sans doute pour l'instant plus de simples coups de sonde que de réels espoirs, d'autant plus que le coût des publicités est relativement peu élevé dans ces quatre États. En cas de retours positifs, les démocrates pourraient intensifier leurs efforts dans ces régions, mais si la partie s'annonce mal engagée, ils devraient éviter de perdre leur temps et leur argent dans ces Etats.

Il est aussi intéressant de noter que l'équipe ne voit pas, pour le moment, de nécessité à faire campagne dans des Etats jugés indécis en 2004, et qui paraissent fortement ancrés dans le camp démocrate cette année : Minnesota, Oregon, Washington.

lundi 16 juin 2008

Le "bounce" post-Clinton de Obama

De nombreux commentateurs s'attendait à ce que, juste après la fin des primaires et le retrait de Hillary Clinton, Obama connaisse un sursaut dans les sondages.

Au niveau national, ce fameux "bounce" a bien eu lieu. Problème, il a été très réduit. Selon Rasmussen, il a permit à Obama d'augmenter son avance de 4 points dans les jours suivants l'annonce de retrait de Clinton (sans compter les 4 points d'avance qu'il comptabilisait déjà, soit 8 points au total). D'après Gallup, une égalité quasiment parfaite entre les deux candidats s'est transformée en quelques jours en une avance de 7 points pour Obama. Et pour RealClearPolitics, l'avance de Obama est passée de moins de 1 point à environ 4 points en quelques jours.

L'effet du "bounce" est donc bien réel, même s'il n'est sans doute pas aussi fort que certains ne l'escomptaient. L'effet au niveau des États est plus net, et surtout plus divers. Nous y reviendrons dans les prochains jours.

Pour autant, être en tête dans les sondages en juin n'est pas synonyme de victoire assurée en novembre.

-En 1988, Michael Dukakis devançait George H. Bush d'une moyenne de 8,2 points selon cinq sondages du mois de juin. En novembre, George H. Bush gagnait avec 7,8 points d'avance.

-En 1992, George H. Bush devançait Bill Clinton d'une moyenne de 4,9 points selon 14 sondages du mois de juin. En novembre, Bill Clinton gagnait avec 5,6 points d'avance.

-Je n'ai pas de sondages du mois de juin pour l'année 1996. Mais selon un sondage Gallup de juillet, Bill Clinton devançait Bob Dole de 17 points. En novembre, Bill Clinton gagnait avec 8,5 points d'avance.

-En 2000, George W. Bush devançait Al Gore d'une moyenne de 4,7 points selon 14 sondages du mois de juin. En novembre, Al Gore gagnait (le vote populaire) avec 0,5 points d'avance.

-En 2004, John Kerry devançait George W. Bush d'une moyenne de 0,9 points selon 16 sondages du mois de juin (ce mois représentait, et de loin, sa meilleure performance dans les sondages de l'année). En novembre, George W. Bush gagnait avec 2,4 points d'avance.

On le voit, la marge d'avance du vainqueur - dans les sondages - en juin à tendance à baisser, voire à s'inverser au cours des mois restants. Le vainqueur putatif du début de l'été a donc toutes les chances de perdre en novembre, si du moins cette tendance n'est pas due qu'au hasard.

Mais est-ce bien déterminant ? Obama comme McCain peuvent connaitre d'autres hausses après la désignation de leurs colistiers respectifs, les Conventions, les débats, sans compter une possible "surprise d'octobre" . Et chacun de ces évènements peut annuler l'effet des précédents. Comme l'ont montré Andrew Gelman et Gary King, les électeurs déterminent leur choix selon ce qu'ils ont appris pendant la campagne sur les candidats et leurs programmes, en plus des variables sociologiques lourdes décrites par Campbell, Converse, Miller et Strokes dans The American Voter. Les variations des sondages ne représentent donc que les réactions des électeurs aux évènements de la campagne, variations qui n'ont pas de conséquences directes sur les résultats en eux-mêmes.

samedi 14 juin 2008

Combien d'afro-américains pour Obama ?

Les noirs sont l'électorat le plus sûr pour les démocrates depuis les années 1950.

En 2004, ils ont voté pour John Kerry à 89%, contre 11% se prononcant pour George W. Bush.

Quelle sera leur attitude en novembre, quand, pour la première fois, ils auront l'occasion de voter pour un afro-américain ? C'est la question que pose implicitement le Political Ticker de CNN en s'intéressant à l'opinion des noirs conservateurs, une espèce rare, mais pas inexistante.

Obtenir un très fort pourcentage du vote afro-américain est un impératif pour Obama afin d'obtenir une majorité en Virginie, et plus encore en Caroline du Nord. L'article nous montre que certains noirs républicains semblent prêts à voter pour Obama, afin "d'écrire l'histoire". L'épisode de l'ouragan Katrina a dû considérablement affaiblir "l'attrait" que les républicains semblaient pouvoir exercer sur ces électeurs. Le chiffre de 92% à 94% au niveau national ne semble donc pas impossible à atteindre.

En 1960, John Kennedy, catholique lui-même, avait obtenu 83% du vote catholique : le plus fort niveau jamais atteint dans cette catégorie d'électeur par un candidat à une élection présidentielle depuis que les sondages post-électoraux existent. On peut penser que le score de Obama parmi les noirs sera là aussi inégalé.

Mais à la suite de l'élection de Kennedy, le vote catholique a peu à peu échappé aux démocrates. Depuis 1972, ils votent à chaque élection pour le vainqueur en voix. S'il en était de même pour le vote noir après cette élection, cela pourrait être le vrai début de cette politique post-raciale qu'Obama appelle de ses vœux. Enfin.

lundi 9 juin 2008

Quelles divisions ?

Les jeunes, les riches, les diplômes ont voté Obama.

Les pauvres, les vieux soutenaient Clinton.

C'est incontestablement vrai dans certains États. Ça l'est déjà beaucoup moins si on regarde les résultats sur l'ensemble de la carte électorale, comme le montre très bien cette infographie disponible sur le site du New York Times.

Le vote des électeurs semble beaucoup moins lié au revenu que ce qu'on a pu entendre pendant toute la campagne. Obama obtient le soutien des électeurs aux revenus les plus faibles (moins de $15,000) dans 12 États, soit le même nombre de victoires dans cette catégorie que son adversaire. Clinton gagne les électeurs à haut revenus (plus de $50,000) dans 15 États, Obama dans 21.








Le soutien pour Clinton des électeurs à hauts revenus vient surtout des Etats des Appalaches (Virginie Occidentale, Kentucky, Tennessee, Pennsylvanie) et de la Nouvelle-Angleterre (Massachussetts, Rhode Island, New York). Obama est particulièrement performant parmi les électeurs les plus pauvres dans les Etats du vieux Sud (Louisiane, Géorgie, Caroline du Sud) et de l'Upper South (Virginie, Caroline du Nord).

Bref, dans leurs zones de forces respectives, les deux candidats obtiennent de bons scores parmi les électorats qui leurs sont a priori le moins favorable. Ce n'est pas en soit même une surprise. Plutôt que de dire que Obama est dynamique chez les riches, et Clinton chez les pauvres, ont ferait mieux de dire que Obama est dynamique dans le Sud et l'Ouest, et Clinton dans les Appalaches et le nord-est.